Je t’écris devant les fenêtres de mon hôtel  par Didier Ben Loulou

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Divine Ganga Cottage
Rishikesh, Inde
16.10.2015 - Voir la carte
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Le long du fleuve
Rishikesh
19.10.2015 - Voir la carte
3
Des paysannes pour la plupart
Hadiwar
20.10.2015 - Voir la carte
4
Images et visages
Un peu plus loin
25.10.2015 - Voir la carte

Didier Ben Loulou

Divine Ganga Cottage, le 16 octobre 2015

 

Je t’écris devant les fenêtres de mon hôtel qui donnent sur les contreforts de l’Himalaya, là où, me semble-t-il, le Gange prend sa source.

 

On voyage parce qu’on ne sait pas où on aimerait vivre. La route devient alors l’espoir d’un ailleurs qui recule en même temps que l’horizon. Tu sais que je suis profondément lié aux rivages méditerranéens, j’y ai longuement vagabondé, m’y suis perdu, y ai parfois pris racine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

J’aime l’odeur du poisson qu’on décharge des petites barques, comme dans les îles des Cyclades (te souviens-tu?), me perdre dans les calanques de Marseille ou de Cassis, grimper sur les dunes à Jaffa ; c’est une manière pour moi d’élever un chant intérieur.

 

Cette mer est pleine d’échos qui nous renvoient à notre propre histoire, faite de débauche, de sensualité et de sacré. L’Inde est pour moi un rêve éveillé.

 

Je n’ai aucune assise dans cet immense continent que je ne connais que par bribes, qui se répètent d’un film à l’autre, des images toujours semblables usées jusqu’à la corde.

 

On est comme sans imagination, et pourtant totalement décentré, sans plus aucun repère face à un tel monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

Ce lointain, je veux dire cet ailleurs plein de promesses – mais de quoi au fond ? -, est toujours tentant pour quelqu’un comme moi, histoire probablement d’aller vérifier ce qui est vrai. Beaucoup de photographes occidentaux ont travaillé en Inde, comme à Varanasi.

 

La fièvre morbide qui y règne plaît à ceux qui aiment se faire peur : la mort en noir et blanc, le fleuve, les crémations, les animaux, les chiens dévorant les restes humains à moitié calcinés…

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

Je ne citerai pas Michaux et son Barbare en Asie que je lis ici avec amusement, bien que…

 

J’ai eu juste envie de me perdre, comme lors de cette première nuit où je n’ai cessé de marcher dans les rues de Bombay, ou à Hadiwar, ce lieu de pèlerinage où des familles entières venues en camion du Rajasthan, se baignent dans le Gange. Beauté inouïe des femmes.

 

Des paysannes pour la plupart, couvertes de bijoux, de colliers, de bracelets comme de véritables princesses.

 

Ces femmes occidentales qui sont aujourd’hui de plus en plus fréquemment percées, tatouées, avachies, comme elles me semblent loin de cette pure noblesse. J’aime par-dessus tout la liberté : ne subir aucune contrainte, et pour cela voyager.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je me souviens de nuits entières passées avec toi sur des ferrys qui nous emmenaient à Loutro, vers la Crète, mais aussi Jaffa et notre rue Kedem, chez notre ami Babai.

 

Tu étais d’une telle beauté cet été-là, nous étions amants et chanceux.

 

Si une personne ne savait pas marcher à notre rythme, elle n’était pas faite pour nous. Nous avancions d’un même pas sur ce chemin de douaniers avec cette mer de Lybie tout autour de nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

© Arnaud Bizalion Editeur

J’ai beaucoup vécu, et je sais que tout se retrouve à l’intérieur de mes livres : Jérusalem, Athènes, Jaffa, Les Visages, Les Lettres, etc. C’est comme si j’avais eu plusieurs vies.
Tu aimais me répéter que si, dans un travail, rien n’était présent de ce qu’avait vécu l’auteur, alors à quoi bon ?
Je termine cette lettre, en pensant une dernière fois à ton visage que l’Inde n’arrive pas à effacer.

 

 

 

 

 

 

Love,
Didier

Didier Ben Loulou vit à Jérusalem.

Lauréat de la Villa Médicis hors les murs, il a obtenu une bourse du Fiacre (Ministère de la culture).

Les oeuvres de Didier Ben Loulou sont régulièrement exposées en Europe et aux Etats-Unis. Elles sont également présentes dans de nombreuses collections privées et publiques, à Paris, Londres, Tel-Aviv, Seattle, Houston… En 2007, un fonds a été ouvert à l’Imec où se trouve désormais l’ensemble de ses archives.

 

En 2012-2013, il est en résidence à Marseille au garage photographie où il entame un travail sur la notion de Sud. Il publiera à cette occasion Marseille (Arnaud Bizalion Editeur, 2014), pour faire suite à Jaffa, la passe (Ed. Filigranes, 2006), Jérusalem (Ed. Panama, 2009), et Athènes (Ed. de la Table Ronde, 2014).

 

Il mène depuis plusieurs années un nouveau projet sur la notion d’ailleurs, de réenchantement, où moins soucieux de situer certaines de ses images, de les identifier à un lieu ou un pays, il se laisse porter par le vagabondage, voyage autour des pays du sud et de la Méditerranée.

Plus d’informations

cover_jetecris
Je t’écris devant la fenêtre de mon hôtel,
Notes indiennes
Arnaud Bizalion Editeur, 2016

 

cover_jaffa
Jaffa, la passe
Texte de Caroline Fourgeaud-Laville
Filigranes Editions, 2006

 

cover_jerusalem
Chroniques de Jérusalem et d’ailleurs
Arnaud Bizalion Editeur, 2016

 

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