Gabriel et la montagne, un film de Fellipe Barbosa
C’est un film qui commence par un plan magnifique d’un flanc de montagne au Malawi. Deux hommes, deux paysans, ramassent de longues herbes vertes à la faucille. Gestes précis, familiers, gestes faits sans y penser depuis des générations, gestes faits en pensant à autre chose. Gestes de paysans malawites, dans leur montagne.
C’est un film qui commence par la mort du personnage principal, un backpacker brésilien dont on suivra le périple à travers le Kenya, la Tanzanie, le Malawi. Ce personnage a vraiment existé. Gabriel Buchmann était un étudiant brésilien, issu de la meilleure société carioca. Profitant d’une année de transition, il s’est lancé dans un tour du monde d’un an, pour partir à la rencontre des populations africaines notamment, lui qui aurait voulu se consacrer aux politiques de réduction de la pauvreté. Il voyageait en essayant de vivre comme un local, dormant chez des habitants, nouant des amitiés.
L’affiche française du film
Gabriel Buchmann et Fellipe Barbosa étaient amis depuis le lycée. Ayant comme guide les mails et les photos de voyage de Gabriel, le réalisateur s’est dans un premier temps lancé sur les traces du voyageur à la recherche des personnes qu’il avait croisées dans ces trois pays. Il est ensuite revenu avec un scenario et une équipe de tournage, pour raconter l’histoire là où elle a été vécue, avec ceux qui l’ont vécue. Ils iront même jusqu’à filmer la mort de Gabriel là où elle s’est effectivement produite. Ce sont donc le chasseur masaï, l’instituteur tanzanien, le mendiant de Dar es Salaam qui interprètent leur propre rôle, la situation telle qu’il l’ont vécue quelques années plus tôt, en mémoire du disparu. L’effet est criant de vérité, à la fois pour faire revivre Gabriel, mais aussi pour fixer la réalité des pays traversés, à travers des corps, des gestes, des regards, des traits d’humour qu’aucun scénariste ne saurait inventer.
La vie du backpacker est très bien rendue elle aussi, les déboires du voyage, et ses grandes surprises ; les rencontres improbables, les petits escrocs, la fraternité. L’histoire d’amour avec sa copine brésilienne constitue un chapitre important du film, au moment où elle le rejoint pour ce qui sera leurs derniers moments ensemble. Souvenirs de touristes, décors de carte postale, souvenirs d’amants, cette partie résonne juste et évoquera pour chacun des bouts du monde qui ont porté nos vies intimes (ou comment s’approprier un endroit qui n’est pas chez soi…)
A travers le protagoniste, un jeune homme beau, généreux, confiant, parfois énervant et arrogant mais aussi intrépide, Gabriel et la montagne dessine le portrait de cette génération qui a reçu le monde en partage et tâche de s’accommoder de ce cadeau. Si la planète est un village, le paysan malawite est un voisin de palier. Que se dire ? Que se donner ? Le film ne prétend pas répondre à ces questions, il retrace l’expédition malheureuse d’un jeune homme qui souhaitait se les poser.
Courez le voir avant qu’il ne disparaisse des écrans !
