

est une revue en ligne consacrée au récit de voyage sous toutes ses formes – textes, photos, vidéos, dessins. Sur terre comme sur mer, d’ici ou d’ailleurs, suivez nos artistes-voyageurs sur les chemins du monde!
A quai
Je voyage chaque jour. 400 kilomètres pour aller travailler dans une entreprise présente à chaque coin de rue.
Le pire étant que je ne suis pas le seul.
Des images.
Des mots.
Un fond sonore.
Ceci n’est pas un voyage linéaire mais la répétition d’un trajet, mon voyage est fait des variations permises par la répétition et d’une mise en abîme douteuse. J’ai pris ma voiture pour pouvoir m’arrêter aux endroits que je traverse habituellement à toute allure et prendre le temps de voir passer les trains qui me charrient d’Arras à Paris.
Ceci n’est pas un récit de voyage mais un récit de ce que permet le voyage, où on ne se trouve que loin de soi. C’est une histoire d’amour qui vacille à l’épreuve de la distance parcourue et du temps qui passe.
L’introspection est parfois douloureuse mais le voyage, même dépourvu de destination, de but, a toujours une fin. Le voyage impose la résolution, il n’y a pas d’autre choix que de sortir du train.
There, There – Radiohead
Le voyage m’est une langue étrangère, le voyage ne m’existe pas
Je ne voyage pas, je me transporte
Je me transpose
L’ailleurs n’est ailleurs que si je n’y suis pas
Si j’y suis, si j’en suis, comment n’y être pas?
Ailleurs est un rêve
Que l’on souille de ses pas
Comme je m’ennuie de toi – William Sheller
Dans une carte mentale
Arras si situe là où peut
Porter l’amour
Sur une carte postale
Arras est un joli lieu
Un simple détour
Que je quitte chaque matin
Où je retourne chaque jour
Car Arras m’est si loin
Que j’y suis en séjour
J’y vis ailleurs, exilé
Hors de moi-même
Et sur la route je me sème
Espérant m’y trouver
Soleil de façades.
Routourne
J’étais Vieux – Presque Oui
Géronimo un cri
J’entends le loup
La meute
Aux portes de la vie-le
De la civilisation triste
Au dedans c’est le vide
L’appel aux sources
M’heurte l’ouïe
Fermer les yeux sans bruit
Laisser les hommes et les choses
A leur place reprendre leur place
Ignorer l’immobile tressaillement
La vie-bration
Portionner professionnellement
Distiller étirer diluer créer
Du vide
Meurtre inouï
Le loup, l’enclos misérable
Demain j’irai aux cirques
Demain j’irai aux zoos
En mémoire de
Pour mémoire
J’irai me rendre visite
Demain j’irai chez moi
Reprendre ma place
Et comme le lion
Je tournerai de fureur
Des milliards de fois je ferai le tour
Le tour de ma place
Impuissant et viril
Je creuserai le sillon inutile
L’usure du temps
Et un jour
Sans paix mais fatigué
Je m’allongerai sur mon île
Las on me verra comme un sage
Mais je continuerai impotent et sénile
A entendre le cri
L’appel de ma folie
Ma chère et libre furie
Restée aux portes de la vie-le
Les rues sont pleines d'êtres invisibles.
Il y a longtemps que la nouveauté est un concept défraîchi.
En remontant le fleuve – Hubert Félix Thiéfaine
Sors moi de ce jour nouveau
Ce jour où tous les chevaux
Cavalent sans tête
Ronde est l’arène
Le reflux de la soumission aux rênes
Sors moi de ces profondes eaux
D’où je ne perçois qu’en écho agréable
Le pas lourd du monde sur le sable
Tout le poisseux de la vie
Sur ma peau un coton insupportable
La douceur me noie
Ma douleur le voit
Panser le mal ou penser les plaies
Apprendre à accepter
Ou oublier encore
Je veux sortir du train fou
Qui m’emmène et me ramène
Aller aller et toujours revenir
Il y ceux qui ont le temps de pêcher et ceux qui n'ont que le temps d'être pressés.
S'il mord je te l'offre.
Le Paradis Blanc – Michel Berger
Si je pars
Je ne reviendrais pas
Vous revoir me sera insupportable
J’abandonne la partie
Je ne peux pas continuer
Sans tout oublier
Renaître ailleurs
Table rase et vierge de toute histoire
Je ne veux rien emporter
Je ne vous abandonne pas je me sauve
A hésiter entre Amiens et St Quentin, on finit nulle part.
The Sound of Silence – Simon and Garfunkel
J’irai mourir sur une plage de Normandie
Dans le silence d’un matin gris
Frappé d’écume et sans combattre
Une dernière fois je m’exécuterai sans bruit
La fureur depuis longtemps a laissé tranquille
Ces quelques mètres de sable stérile
Ici rien n’indique les combats homériques
Les hommes sortis de l’eau pour conquérir le monde
Ici rien n’indique
Sauf la mémoire, sauf la mémoire
Chose négligeable mais vivante
J’ai enterré près d’ici près d’un petit chat 15 ans de ma vie
Personne d’autre que moi un matin gris
Pour pleurer le petit chat
Déjà se décomposent les souvenirs
Déjà ne subsiste que le pire et le meilleur
De nous j’oublie l’entre-deux et la chair
À même la terre, à même la vie qui grouille
Disparaîtra aussi l’os
La Terre tourne et digère
Récupère sans défaut
La poussière laissée quelque temps à la vie
Il est tard, je vais rentrer
J’ouvre ma main desserrant l’étreinte
Libérant la poignée de sable saisie
Tout à l’heure, en arrivant ici
Je ne tenais rien depuis longtemps
Comme le reste le sable retourne à lui-même
Et je serrais rageusement ma main vide contre elle-même
Comme on serre les dents
Pour tenir, tenir, tenir le coup
On tient à
On entretient
On se tient
Mais rien, rien, rien ne tient
À jamais plus
Mes yeux dans les tiens
À jamais tien,
Le temps recouvrira les ruines.
Tive um coraçao, perdi-o – Misia
Depuis ton départ la musique
Apaise
Mes solitudes
Tout ce qui parle à mon corps
Me rappelle à vivre
J’oublie
La douleur de ton départ
Consiste à me souvenir de moi-même
On s’oublie en l’autre
On se souvient en soi
Y a t-il plus personnel
Plus intime
Plus dérisoire et plus pertinent que le souvenir?
Comment ne pas souffrir alors
Si la solution est l’oubli
Plus j’oublie et plus je me souviens
Je n’y pense plus mais tu reviens
Aucune autre vie ne m’est possible
Que la mienne
Qu’il doit être bon de perdre la mémoire
Être un homme neuf
Vierge de lui même
Un homme sans passé
Un homme sans histoire
Un homme à recommencer
Ne t’y trompe pas
Ne prends pas ombrage
Cette mort là ne te concerne pas
Même si c’est un peu toi que je tue
Il me faut survivre à moi-même
Car l’amnésie du sommeil
De l’alcool ou du travail
C’est penser encore à toi
On ne refuse pas un souvenir
Il faut choisir
Accepter le souvenir
Ou renoncer à l’oubli
Oublier c’est accepter le souvenir
Se permettre de ne pas oublier
Puisque l’oubli est impossible
Ton souvenir en cicatrice
La trace et la blessure
Guérir
Depuis ton départ la musique
Avive
Le retour de ma mémoire
Donnez-moi trois ailes, je vous ferai un avion immobile.
Ceux qui ne vont nulle part vous saluent!
Ecartelez les hommes, finement, faites-en les lames qui découperont les cieux.
Sensualité métallique d'Eole. Moulin à rien.
Désenchantée – Mylène Farmer
Comme autrefois je confiais ma vie à tes bras
Abandonnant au fleuve mes angoisses
Comme on ferme les yeux dans le giron
Oubliant que la vie, et la mort aussi
Tu as rouvert les bras, je suis tombé
Momie flasque
Enveloppe vide
Baudruche sans souffle
Je me relève
Pensant mes plaies
Les trous de ma vie d’où l’air s’échappe
Rustiner la mort jusqu’à ce que plus rien ne tienne
Jusqu’à ce que la vie revienne
Se remplir d’air jusqu’au vertige
On étouffe dans ce sac
On meurt par apnée
J’ignore où est la surface
La promesse lumineuse d’un air nouveau
Vous me trouverez au fond près d’un galion
Dans l’ivresse des profondeurs
Dans la tristesse de mon coeur
Jusqu’à ce que vie s’en suive
À fond de calice, jusqu’à la lie
Qui me délie
Jusqu’au délice
Les portes célestes, ce qu'il en reste.
Hier à Sousse – Alain Bashung
Les limbes de ta peau
Me laissent en lambeaux
Te revoir une fois
Te parler encore
On ne parle pas aux morts
Même si parfois
Les replis de nos âmes
Se croisent encore
Certes les roses se fanent
Pas le souvenir des femmes
L’éternité de notre amour
Est une promesse échue
Aucun échec n’emporte pourtant
La sincérité de l’instant
Je t’ai aimé un maintenant pour toujours
Je t’aime à jamais par moments
Glorieux anciens, la guerre aura fait de vous des hommes éternels, des rocs, des pierres, des cailloux misérables qui regardent passer les trains.
Et gaz à tous les étages !
(sans issue)
Sur un Trapèze – Alain Bashung
Mettras-tu le nez dehors
Pour survivre ce jour encore
Dehors on s’entredévore
Encore et encore
Reste donc une heure de plus
Partageons ce qu’il reste de nous
Autour d’un café debout
Nos corps parleront sans lapsus
Dans les silences du petit matin
Lorsque les mots se taisent enfin
Mes yeux écoutent les tiens
Nos corps écoutent nos mains
Reviendras-tu ce soir en notre étroit bercail
Le nid ressemble au cercueil de notre jeunesse
Où meurent lentement l’avenir et ses promesses
Je t’aime il est temps que tu t’en ailles
Ici on s’entredévore d’amour
Encore et encore
Partons vers un nouveau jour
Vers d’autres corps
Te me manques et je t’aime encore
Nous sommes toujours là
Malgré tous mes efforts
Tu es toujours là
Nous avons retrouvé
La joie des retrouvailles
Nous avons rejoué
Vaille que vaille
Le plaisir et parfois
La mélancolie de nos vies
On en est là
Parfois las aussi
C’est peut-être ainsi
Que l’on retrouve l’envie
J’y crois car mon âme et nos corps
Crient encore
Lignes de fuite.
Suivre la voie.
Merci d'apporter votre éclairage, la maison ne fournit plus la Lumière.
Tallulah – Fauve
Chercher dans l’horizon les raisons
Les solutions
Les prédictions
Que la mer soit une vague
Furieuse régulière
Ou la grâce confuse
Ciel et terre
L’appel du large
Nous a porté ici
Pour réussir il faut bien parfois accepter de s’échouer
Nous avons appris ensemble à naviguer
Nous avons pris la barre
Ça ne tenait pas la route
Mais c’était notre chemin
Oublier les cartes les phares les bouées
Les petites morts toutes tracées
Il fallait bien s’échapper
Plus d’une fois on s’est fracassés
Le temps de réparer et on repart
Doit-on seulement arriver quelque part?
Ou bien retrouver nos points de départ?
Le temps est une combustion lente, ceux qui luttent s'effritent.
Boite mail en désuétude.
Nos Morts – Miossec
Je suis parti
On ne retourne qu’avec déplaisir
Vers la pluie grise de son enfance
J’ai abandonné ma vie triste
Chaque jour j’essaie de rire
Mais je me souviens de ceux que j’ai laissé
J’ai abandonné mes frères
Au milieu des ruines
Les éoliennes rentrent au port.
Pour éclairer la nuit.
Come as you are – Nirvana
Dépouillé
De mes oripeaux
Jusqu’à retrouver ma peau
J’ai marché pieds nus
Sur la terre
Tout ce qui me sépare des Hommes
S’est effondré
Je pose l’armure
Où est l’homme que je suis?
Sur un mur
Sur un pan
Au coeur de la bâtisse
Dans la pièce interdite
Le lieu que j’évite
Autour duquel je me tisse
Autour duquel je tricote
Cette existence où je vivote
Pourrai-je accepter
De décrocher la corde
Et allumer la lumière?
Perfect day – Lou Reed
Décrocher la corde
Allumer la lumière
Éclairer la partie sombre
Calmer le dégout amer
Abandonner son repère
Eloigner de soi
Ce qui tient
Ce qui étrangle
Décrocher la corde
Allumer la lumière
Oublier les vagues et la mer
La mélancolie prospère
Détricoter les mailles
Détisser la toile
A l’endroit à l’envers
A l’endroit à l’envers
A l’envie et en vers
Décrocher la corde
Allumer la lumière
(Oublier le vague à l’âme ma mère
Abandonner mon père)
La tristesse des banlieues vaut bien celle des campagnes.
Rebellion publicitaire.
Il fallait bien que cela arrive.
Yafaké – Victor Démé
La transposition
Variation subtile
Vibration intime
Moi ailleurs
Le même autre
L’inconnu c’est moi
L’autre est le prétexte
Le médiateur
L’entremetteur
La translation
La mathématique humaine
La mécanique de l’inexact
La transformation permanente
L’illusion du même
De l’identité
Immuable
Rester le même
Rester soi
Lorsque soi est une construction
Une déconstruction
Sisyphe n’est pas la répétition du même
Mais la répétition du changement
Qui est-il après 10, 100 ou 1000 jours?
Le premier voyage est celui de la boite à chaussures
Photos de famille
Images incongrues du soi disparu
L’ailleurs m’autorise
Le dépaysement
La désidentification
Errances et déshérence
Retrouvaille et abandons
Ici je me connais
Je méconnais
Je m’économise de savoir
Mais ailleurs
La dépense est obligatoire
Je dépense
Je repense
Se défaire
Se refaire
Vivre à découvert
Le coup de la vie
La découverte du goût
A vif
Crasseux joyeux bordel.
La Vie Devant Soi – Vincent Delerm
Tout va bien
Sous les bombes j’aurais pu avoir peur
Le deuil m’aurait autorisé à pleurer
Mais non, tout va bien
Tu me manques pourtant
Tu en aimes un autre maintenant
Et depuis trop longtemps
Je dois partir et j’ai peur
Partir c’est mourir un peu
Partir c’est mourir vraiment
Je dois mourir un peu, j’ai peur
Je t’aime encore et je pleure.
Tout va bien, je meurs
Moulin à joie, veuillez payer et attendre votre tour.
Jersey – Granville
Cette ombre qui me précède
Sur ce chemin inconnu
Est-elle encore la mienne
Le soleil me décalque sur la terre
La trace de mon corps dans la poussière
Cette ombre qui me précède
Sur les chemins inconnus
N’est que la conséquence
De ma position céleste
Entre le soleil et la terre
Pourtant j’ai mal aux pieds
Des cailloux dans les sandales
Aucune réflexivité dans ce jeu de lumière
Pourtant j’ai mal au crâne
La chaleur et la soif
Inquiètent mon degré de conscience
Mon ombre qui me précède
Me guide vers l’inconnu
Mon corps marche devant moi
Lui avance et moi je souffre
Nous nous retrouverons ce soir
Dans la pénombre lunaire
Il dormira je sourirai
Dans le rêve l’ombre n’est plus celle du corps
Je ferai à mon tour le voyage
Au petit matin et sa lumière diffuse
Nous nous retrouverons
Et autour d’un café
Un morceau de vie à raconter
Du souvenir à porter