Khairollah, le bon présage d’Allah  par Laëtitia Gaudin et Damien Roudeau

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0
La rencontre
Calais
07.2015
1
Tombé du ciel !
Helmand
09.2009 - Voir la carte
2
Le départ
Zarandj, province de Nimrôz
09.2009 - Voir la carte
3
« Comme des animaux »
Quelque part au Pakistan
10.2009 - Voir la carte
4
24 h de marche et 15 h dans un coffre de voiture
Kerman
20.10.2009 - Voir la carte
5
Maltraitances en Iran
Ahwaz
2009-2012 - Voir la carte
6
Vers l'Europe
Istambul
11.2012 - Voir la carte
7
Centre de rétention
Lesbos
06.2013 - Voir la carte
8
Découragement
Port de Gioa Tauro
06.2013 - Voir la carte
9
A Marseille : « Ici, c'est Paris ? »
De Rome à Annemasse
10.07.2013 - Voir la carte
10
Pas après pas
Lycée de Poisy, Annemasse
01.2017 - Voir la carte

Laëtitia Gaudin et Damien Roudeau

Skype
Juillet 2015, je suis à Calais. De retour de la “jungle”, ce camp sauvage ouvert aux migrants posé sur une ancienne décharge, je trouve un mail de mon amie Anne Jochum, réalisatrice : « J’ai rencontré un jeune Afghan de 17 ans, du nom de Khairollah. Il est arrivé en France, seul, il y a un peu moins de 2 ans. Son histoire est dingue. Et douloureuse. Mon frère et ma belle-sœur l’accompagnent dans ses démarches. Ils l’accueillent dans leur maison les weekends, il fait un peu partie de la famille. Mais dans quelques mois, il aura 18 ans. Comme d’autres, il risque d’être expulsé. Il faut raconter son histoire : je pense le filmer, es-tu partante pour, de ton côté, écrire quelque chose ? » Le jeune homme habite dans un appartement partagé à Annecy. Le rendez-vous aura lieu trois mois plus tard, par Skype. Il durera près de 3 h, dans un français presque parfait. Avec la pudeur, pour lui, surtout pour moi, des gens qui se rencontrent pour la première fois.

Rencontre avec Khairollah via skype © Damien Roudeau

Ce soir-là, début novembre, Khairollah est en weekend chez la famille Jochum, du côté d’Annemasse, près du lac de Genève. L’entretien, sous le filtre d’un écran d’ordinateur, a d’abord lieu dans la cuisine. Beau garçon, les épaules larges, le tee-shirt ajusté, les mirettes noires, les cheveux de jais travaillés, il est assis, solide, les avant-bras posés sur la table. Derrière lui, debout, penchée pour entrer dans le cadre, les mains posées sur ses épaules, une femme brune, chaleureuse. Médecin, et surtout franco-iranienne, Charbanou est la bonne étoile de l’adolescent, celle qui l’aide à dénouer les nœuds avec l’administration française et fait le lien avec les différentes personnes qui le sollicitent, moi comprise. Il a (un peu) fallu montrer patte blanche pour obtenir l’entretien. En sa présence, le garçon se montre réservé, il ne sait pas par où commencer. Il sourit, tourne l’imposante bague tribale persane qu’il porte au doigt.

© Damien Roudeau

Charbanou le sait, Khairollah déroulera le récit de son exil sans appuyer là où ça fait mal : au cœur. Il racontera de manière factuelle, référencée et circonstanciée. Il oubliera de parler des profondes souffrances et des cicatrices, celles qu’on ne panse pas et qui ne se referment pas avec le temps. Charbanou devra alors parler à sa place, pressée par l’échéance d’une date qui arrive à grand pas et qui l’effraie : le 12 mars 2016, Khairollah aura 18 ans. « On sait qu’à la majorité, ces jeunes sont mis à la porte des foyers et peuvent être menacés d’expulsion. Rien n’est acquis. Un au-revoir et ils disparaissent. » Pour quelques semaines encore, il est un MIE, un mineur isolé étranger pris en charge par le conseil départemental de Haute-Savoie. « On dit de ces jeunes qu’ils viennent pour travailler. Mais l’urgence, pour eux, c’est de poser leur tête sur un oreiller pour vivre, tout simplement. » Pour vivre, sans avoir un œil constamment ouvert pour échapper aux vols, aux viols, aux trafics d’organes et d’humains. En 2015, selon Interpol, près de 10 000 mineurs auraient disparu sur la route des Balkans. Ils seraient plus de 600 dans la jungle de Calais, seuls, sans parents. « Quand Khairollah a fui l’Afghanistan en 2009, les déplacements de population étaient moins importants. Des grappes ici et là, à la merci des passeurs, dans l’ignorance de l’opinion internationale. C’est un miracle qu’il soit arrivé en France… » Charbanou doit nous laisser. Le récit peut commencer.

Au commencement, il y a un prénom, Khairollah O., ce qui signifie en farsi, “le bon présage d’Allah” et “celui qui vient de l’univers”. Né le 12 mars 1998. Sous une bonne étoile ? À Helmand, “une grande ville”, au sud de Kaboul. Khairollah appartient au peuple Hazara, une minorité chiite. C’est visible : les yeux bridés, la peau claire, de fines lèvres, des traits comparables à ceux des Ouzbeks. A Calais, les quelques Hazaras croisés vivent et se déplacent en bande. Ils ne se mélangent pas ou peu aux Afghans, majoritairement pachtounes. « Soixante pour cent des Afghans sont Pachtounes. Ils ne nous aiment pas. Ils sont sunnites. Nous, on est chiites. C’est difficile de vivre… » Khairollah peine à dérouler l’histoire de son exil, hors les frontières de son pays. Il est soucieux des siens, victimes des persécutions des talibans, sous l’autorité étouffante des Pachtounes. Là-bas, chez lui, les routes sont minées ; l’eau des écoles, empoisonnée ; la corruption, omniprésente. « Si tu vas à la mairie pour signer un papier, le gardien de la porte demande de l’argent. Si tu n’en as pas, il ne t’ouvre pas. C’est tout le temps comme ça. L’Afghanistan, c’est tout le temps la guerre, tout le temps des problèmes. »

Derrière l’écran, le visage de Khairollah se ferme. « Bien sûr, je voudrais être dans mon pays. C’est compliqué. Aujourd’hui encore, je n’ai pas oublié. C’est tout le temps dans ma tête. Je pense : “Qu’est-ce qu’il se passe ?” ». Charbanou, à son sujet : « Je ne lui trouve qu’un seul défaut : sa fréquentation sordide des réseaux sociaux pour prendre des nouvelles de son peuple. » Le 29 décembre 2015, dans la maison francilienne où il a rejoint la famille Jochum pour les vacances de Noël, Khairollah lit une information du site Slate sur l’écran de son smartphone : « Décapitée à 9 ans, elle est le symbole de la persécution des Hazaras ».

@ Damien Roudeau

« Tout ce que j’ai fait, tout ce que je fais aujourd’hui, je le fais d’abord pour mon petit frère, étapes par étapes. » Un pas après l’autre, comme le préconisait, dans ses souvenirs de gosse, son père, un homme sage. En septembre 2009, Khairollah décide de confier Feyzollah, son jeune frère de 7 ans, à des voisins. Lui, a 11 ans. Ça ne peut plus durer. Sa mère, son père sont décédés depuis un an. Le bus qu’ils empruntaient pour se déplacer a explosé au passage d’un pont. L’orphelin, pour subvenir à ses besoins et à ceux de son frère, travaille dur. Il tire d’abord des barbelés autour d’une base militaire à Kandahar. « Mais le coin était très dangereux. » Il retourne à Helmand. Même job ; autour de l’aéroport, au service des Américains. Le soir, sur le chemin du retour, il croise qui des Pachtounes, qui des Talibans. Les premiers veulent l’enrôler dans l’armée, les seconds lui confier une arme pour tirer sur le tout venant. La peur lui grignote le ventre. Sa décision est prise : il va quitter Helmand pour rejoindre l’Iran ; d’autres avant lui ont déjà fait ce choix, contraints à la fuite. Là-bas aussi, on parle le farsi. « C’est difficile de partir… parce que j’ai mon petit frère, mes amis… ».

Il est 3 h, ce matin de septembre 2009, c’est le grand départ. Khairollah a pour seul bagage “un petit sac à dos”, “une petite veste”, une bouteille d’eau, l’argent économisé ces douze derniers mois et “le petit argent de poche” offert par le voisin. « Il m’a dit : “J’espère pour toi que tu arriveras à ton objectif. Je prendrai soin de ton frère comme de mon fils.” » Il est le seul de son village à se rendre à la gare routière d’Helmand. Direction, en bus, Nimroz, à la frontière entre l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran. Départ à 1 h, arrivée à 11 h. Le trajet est long, les kilomètres pas si nombreux : « Les talibans ont explosé et minés les routes, les ponts. C’est difficile de circuler. » Il pose pied à Nimrôz. Première étape franchie. Premières angoisses : « Les gens me menacent avec des couteaux. Ils veulent me racketter. » Avec d’autres embarqués dans cette galère, Khairollah trouve refuge dans un hôtel, en attendant de trouver un passeur. Il a faim : « J’ai payé pour dormir, pas pour manger. Je n’ai pas assez d’argent. Tous les jours, j’achète un morceau de pain ou des dattes, une petite bouteille d’eau ou je ne sais pas quoi. Juste pour ne pas mourir de faim. » Le passeur est trouvé. Il est nécessaire d’attendre encore, la frontière est gardée par l’armée. Bientôt le jour J. Le premier d’une longue série…

© Damien Roudeau

A la frontière pakistanaise © Damien Roudeau

De Nimrôz, pour rejoindre Ahwaz, une ville iranienne à la frontière irakienne, le prix est net, non négociable : 8000 dollars. Khairollah ne possède plus que 300 dollars. Il propose à son passeur de ponctionner plus tard le salaire de son futur labeur en Iran. Enfin, la voie est libre pour entamer le long voyage. Il est minuit. « On est 45 dans le coffre d’un 4×4. Comme des moutons. Le passeur met une bâche sur nous. Comme ça, quand on passe dans les villages, les gens pensent que derrière, ce sont des animaux. » La voiture roule à vive allure dans le sable. L’armée afghane, postée à 100 kilomètres avant la frontière pakistanaise, est docile : quelques billets pour reprendre à toute berzingue la folle chevauchée : « Il s’en fout de nous le passeur. Il ne nous connait pas. S’il y a un accident, c’est pas grave. On peut mourir. » La frontière est là, en bout de piste. Trois mètres de murs de béton coiffés d’un mètre cinquante de barbelés, des mines, et l’armée pakistanaise. « Beaucoup de gens se blessent et deviennent handicapés au passage de la frontière. » Le jeune garçon monte sur le dos de l’un de ses camarades d’infortune pour enjamber l’obstacle et passer la ligne de démarcation. Ensuite, cinq heures de marche au pas de course pour rejoindre un village. Deux 4×4 attendent les 45 candidats à l’exil. Après cinq nouvelles heures de trajet motorisé dans la montagne, ils atteignent une ferme. Injonction leur est faite de rester cachés dans la grange. La pause dure trois jours. Pour subsister, un peu d’eau, un peu de pain. Et encore de l’espoir.

Enfin le départ : « D’autres passeurs et d’autres personnes nous ont rejoints. On était alors 500 pour traverser la frontière. Des familles, avec des femmes enceintes ; des adultes. Mais surtout des petites gens comme moi. » En majorité des Afghans mais aussi des Pakistanais, des Indiens, des Bengalis, des Thaïlandais, etc. A leur compteur, vingt-quatre heures de marche supplémentaires, sans interruption dans la montagne, de 20 h à 20 h, pour finalement voir apparaître une vingtaine de véhicules. « C’était des voitures comme des Renault. Cinq dans le coffre, 10-15, sur le siège passager. Quand je suis arrivé, le passeur, il me dit : “Vite, vite, dans le coffre.” Il y avait déjà quatre personnes. J’ai répondu : “J’ai pas envie de mourir sans oxygène.” Il a sorti un couteau. Il m’a tapé sur la jambe et sur la tête avec un câble. Il m’a donné des coups de pied. Il a dit : “Si la police arrive, tout le monde est dans la merde.” J’ai réfléchi. Je suis monté dans le coffre. Mon petit sac à dos sur la tête. Il a fermé la porte. On est parti. Ça a duré quinze heures, sans pause, dans la montagne, sans eau, sans nourriture. » Quand la voiture s’arrête enfin, Khairollah ne sent plus ses jambes. Il sort du coffre. Il s’effondre. A ses côtés, un homme fait un malaise. Les 500 ont posé pieds en Iran. A Kirman, précisément, dans une ferme.

© Damien Roudeau

« Mais moi, je voulais aller à Ahwaz parce que je connaissais une personne de mon village qui y vivait. » Une semaine à patienter, encore, sans douche, avec le minimum vital pour finalement retrouver l’inconfort d’une “petite voiture”. « Le passeur m’a dit : toi, t’es petit, viens devant, sous les jambes du chauffeur, et ne lève pas la tête. J’ai dit : “Je ne suis pas un carton”. Derrière le chauffeur, il y avait 10 ou 15 personnes. » Quinze heures plus tard, à minuit, les lumières de la ville de Bam. « Le passeur nous laisse sous un pont. Ça caille. On est 45. » L’homme leur demande de patienter quinze minutes. Il revient quatre heures plus tard avec un 4×4. Coffre, bâche, vive allure, la rengaine est la même. Comme des animaux, des cartons de déménagement. Chiraz, milieu d’après-midi, le terminus. Une douche dans un hôtel. Puis le départ vers la gare routière, à 20 h, pour Ahwaz. « Je suis dans la soute avec 20 autres personnes. Il fait chaud avec le moteur. On n’a pas d’oxygène. » Le car s’arrête enfin pour Khairollah et ses camarades de soute. Il est 9 h. Le soleil brûle déjà à Ahwaz, son point de chute. La vie en Iran, selon Khairollah, est “compliquée”, “difficile”. On préciserait : impensable pour un gamin de 12 ans. Le supplice, parce que c’en est un, loin des siens, durera 3 ans. D’abord, il travaille 3 mois dans un restaurant pour rembourser ce qu’il doit au premier passeur. Puis 7 mois dans une entreprise de bâtiment.

© Damien Roudeau

Sous un soleil de plomb, jusqu’à 50 degrés, il taille le marbre avec un disque, transporte des sacs de ciment de 50 kilos au 20e étage d’un immeuble et pose la pierre, en équilibre sur l’échafaudage. « C’est pas comme ici, en France. Tu ne fais pas d’apprentissage. Tu travailles directement, sans casque, sans chaussures de sécurité, sans gants. Beaucoup d’Afghans sont morts. Le patron, un Iranien, il s’en fout si tu te casses une jambe. » Aux épreuves du travail, s’ajoute le racisme des Iraniens à l’endroit des Afghans, les menaces, les interdits tacites (le sport, le métro, les loisirs), les coups. Epuisé, Khairollah décide de quitter en car Ahwaz pour Téhéran, la capitale iranienne. Le voyage tourne court : il est arrêté avant le départ. « Le contrôleur regardait seulement les Afghans. On nous a mis dans un minibus pour être conduits en prison, à Herot, à la frontière afghane. » Pour seule pitance, une casserole de riz toutes les 24 h. Sorti des geôles quelques jours plus tard, il erre une semaine avant de trouver un passeur. « Il m’a demandé de marcher six heures. Puis avec 50 autres personnes, je suis monté dans la soute d’un car. » Direction Téhéran, pour deux ans, jusqu’à ses 14 ans. La vie n’est pas meilleure. Exploité, maltraité, insulté, battu, et pour seule défense, le silence. « J’ai demandé mon salaire au patron de la fabrique de cartons pour envoyer de l’argent à mon frère. Il a dit qu’il allait appeler la police… » Après un énième passage à tabac qui le conduit à l’hôpital, Khairollah décide de quitter l’Iran pour l’Europe.

© Damien Roudeau

« On a rejoint l’île de Lesbos, en Grèce. On a marché 18 h, jusqu’à Mitylène. Mais la police nous a rattrapés. » Les malheureux sont conduits au commissariat. « Ils ont écrasé les téléphones avec leurs bottes. Un garçon a voulu parler anglais avec la police. Ils l’ont battu avec un bâton électrique. Deux de ses doigts étaient noirs. Plus tard, à l’hôpital, on les lui a coupés parce qu’ils pourrissaient le reste de son corps. » Retour à la case prison avec comme colocataires des passeurs, des trafiquants de drogue, des drogués, des voyous et l’obligation de s’acquitter de la somme quotidienne de 5 € pour manger. « Franchement, c’était difficile. Les gens étaient fous. On n’avait pas de matelas. Par terre, c’était du béton. C’était humide. » Avec d’autres “petites gens, Khairollah est libéré et reconduit à Izmir, en Turquie. Son passeur l’attend à Istanbul.

Le garçon est fatigué. Il n’a plus d’argent. Sa dernière chance pour passer en Europe, c’est de se cacher à l’arrière d’un camion. « Je trouve un autre passeur pour aller en Italie. Il me demande 4500 dollars. Un ami iranien me prête 1800 dollars. Je travaille un mois dans un garage pour payer le voyage : je coupe du bois et le brûle pour faire du charbon. Le soir, j’ai mal à la gorge. Je suis tout noir. » La suite : le voyage dans un container, sur un cargo dont personne ne connait finalement la destination. Et, pour la première fois, l’envie de mourir, de tout abandonner : « On était quatre, deux Afghans, un Iranien et un du Bangladesh, couchés par dessus des cartons, à 3 cm de la bâche. Il faisait très chaud. On avait refermé la bâche avec du scotch à cause des contrôles de caméra. On ne pouvait pas respirer, pas boire, pas pisser. » La traversée dure 2 jours. Le camion roule depuis 50 minutes quand les quatre exilés se décident de se sauver. « On a couru dans la forêt jusqu’à une ferme. On a bu l’eau des animaux dans un seau. » La suite ? L’errance, deux, trois, quatre, cinq jours, à proximité des gares.

Rome, Nice, Marseille, Lyon puis Annemasse à la frontière suisse. « Je cherchais toujours des Iraniens ou des Afghans pour traduire. Par chance, à Annemasse, j’ai entendu un homme parler le farsi au téléphone dans un restaurant turc. Le commissariat venait de me dire de partir. La dame ne me comprenait pas. L’Afghan du restaurant, il était gentil, il a accepté de m’y reconduire. » Une traductrice est appelée. Khairollah lui raconte son histoire. A 21 h, il est conduit au “Nid”, le centre d’accueil pour les mineurs isolés étrangers de Saint-Jeoire. « Je me grattais. Le monsieur du Conseil Général a expliqué qu’il avait appelé une médecin qui parlait le farsi. » Khairollah a la gale. Charbanou le rencontre pour la première fois, chez le dermatologue, le 10 juillet 2013, en fin de journée. Elle se souvient d’un « beau garçon », aux « yeux très doux » avec un fort accent afghan.

© Damien Roudeau

Depuis, c’est une belle histoire, avec récépissé de la Préfecture, dont on ne connait pas l’issue. Celle d’un jeune homme de 18 ans, oppressé par la complexité des démarches administratives, pressé par le calendrier, angoissé par les mauvaises nouvelles qui lui arrivent d’Afghanistan mais qui, malgré tout, reste attentionné avec son entourage. Sa pugnacité, le récit de son exil, son sourire, sa gentillesse, sa collection ordonnée de classeurs (les cours, les courriers de la Préfecture, les convocations aux examens, etc.) fascinent. En janvier dernier, Vincent Viard, son patron d’apprentissage, disait de lui : « Khairollah est tellement sympathique ! Au lycée où il travaille, tout le monde le connait. Les professeurs, les élèves, les agents. C’est pour ça qu’il progresse si vite en français. Et puis, c’est un apprenti en or… » Depuis, coup sur coup, en juin dernier, Khairollah a obtenu son CAP maintenance des collectivités, a décroché un CDI au lycée de Poisy et s’autorise le droit de rêver : bientôt, à ses côtés, Feyzollah le petit frère laissé derrière lui, il y a 7 ans.

Devenue journaliste indépendante après une première vie professionnelle dans la com’, Laëtitia Gaudin documente, depuis 2014, le parcours des déplacés et des réfugiés. Sa rencontre avec des déplacés au Kurdistan irakien est le déclencheur. Depuis entre de fréquents séjours en Irak et à Calais, elle sillonne le monde au gré de ses idées de reportages, où les rencontres humaines la guident. L’Ukraine, la Guyane ou encore le Rwanda sont quelques unes de ses récentes destinations. Mais l’histoire d’une communauté de Hmongs au cœur de la Bretagne, où elle vit dans la petite ville côtière de Plouguerneau, peuvent tout autant retenir son attention…

Plus d’informations

Né en 1981 à Montreuil, Damien Roudeau est diplômé d’illustration à l’École Estienne. Il a également obtenu une maîtrise d’arts plastiques. Il se consacre depuis 2001 au reportage dessiné en choisissant de vivre en immersion dans des univers présumés confidentiels, qu’il dépeint avec crayons et pinceaux (communautés Emmaüs, quartiers de banlieue, travailleurs des ports, réfugiés de Calais ou encore Comédie Française plus récemment).
 

Ses publications

brest-a-quai  Brest à quai, [Carnet de bord] des travailleurs du port, éditions La boîte à bulles (2016)

bienvenue-a-calaisBienvenue à Calais, éditions Actes sud
(2016)

comedie-francaiseDans les coulisses de la comédie française, éditions La Martinière (2016)

 

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